Quatre géants, quatre histoires (partie 2)
Maxi Edmond de Rothschild
Fruit d’une longue réflexion menée autour du vol par le bureau d’études du Gitana Team et par l’architecte Guillaume Verdier, mais également résultat de nombreux essais en mer effectués sur deux plateformes de test, un GC32 « customisé » et l’ex MOD 70 Gitana 15, le Maxi Edmond de Rothschild est sorti du chantier Multiplast de Vannes le 17 juillet 2017. Un peu plus de trois mois plus tard, Sébastien Josse et Thomas Rouxel terminaient à la deuxième place de la Transat Jacques Vabre, sur les talons du vainqueur Sodebo, malgré le délaminage des deux foils du maxi-trimaran.
Depuis, ce dernier, qui n’a pas pu aller au terme de la Route du Rhum en 2018 (étrave du flotteur tribord arrachée), n’a eu de cesse d’être optimisé par l’équipe technique du Gitana Team, comme l’explique son directeur général, Cyril Dardashti : « Les évolutions majeures ont concerné la casquette de protection du cockpit, que nous avons modifiée, elle est plus étroite à l’arrière et plus bombée devant pour que la zone de vie des skippers soit plus agréable, c’était un peu spartiate dans la première version. Nous avons aussi changé des appendices, avec de nouveaux safrans en octobre 2018, renforcé les trois étraves suite à la Route du Rhum et rajouté de la fibre optique pour avoir plus de capteurs, notamment sur la déformée de plateforme. Nous avons également beaucoup travaillé sur les voiles, puisque, après un J0 l’an dernier, nous avons un nouveau J3 et un nouveau J1 cette année (voiles d’avant). »
Le 16 septembre dernier, un mois après avoir remporté la Rolex Fastnet Race avec à ses commandes son nouveau duo de skippers Franck Cammas-Charles Caudrelier, le Maxi Edmond de Rothschild sortait d’un petit chantier avec une autre nouveauté, un « fairing », à savoir un carénage entoilé, de 32 m2 sur le bras arrière, venant finir le profil de ce dernier comme une aile d'avion, l’objectif étant de gagner en aérodynamisme : « Théoriquement, il apporte un vrai plus au bateau parce que ça réduit fortement la traînée », confiait Charles Caudrelier à la remise à l’eau, Franck Cammas ajoutant : « Ces dernières années, ça devient un standard d'avoir un carénage sur le bras avant maintenu par le trampoline. Mais sur le bras arrière, c'est une première et c'est un gain qui est au moins aussi important ». A confirmer sur Brest Atlantiques, course de 14 000 milles que le Maxi Edmond de Rothschild va donc disputer dans une version très optimisée par rapport à la V1 dévoilée il y a plus de deux ans. « De manière globale, entre juillet 2017 et aujourd’hui, je pense qu’on a gagné 15% en performances », résume Cyril Dardashti.
Sodebo Ultim 3
Dernier-né de la flotte Ultim 32/23, Sodebo Ultim 3 est né dans l’esprit de Thomas Coville et de son partenaire Sodebo juste après que le premier eut battu le record du tour du monde en solitaire fin 2016 sur son ancien bateau (devenu Actual Leader). « Moins de 48 heures après la ligne d’arrivée, les dirigeants de Sodebo me proposent de partir avec eux pour une nouvelle aventure à partir d’une feuille blanche, je me laisse quelques jours pour laisser reposer l’émotion, mais rapidement, je me dis que c’est une façon de rebondir après ce qui aurait pu être un aboutissement », explique alors le skipper. Thomas décide, pour la conception, plutôt que de faire appel à un architecte, de monter un design team collaboratif composé de membres du bureau d’études du Team Sodebo Voile, mais également de compétences extérieures, dont celles des cabinets VPLP et Banuls Design, ou de Martin Fischer pour le design des foils.
Le résultat, dévoilé le 18 mars 2019 à sa sortie du chantier Multiplast, est spectaculaire, avec une innovation majeure, un cockpit avancé de 7 mètres par rapport au précédent trimaran et surtout situé à l’avant du mât, qui répond à trois objectifs : offrir une meilleure visibilité au(x) skipper(s), lui (leur) permettre de manœuvrer au plus près du centre de gravité du bateau et donc d’être moins secoué(s) par les mouvements de celui-ci, et abaisser la bôme, améliorant de fait l’effet de plaque de la grand-voile, le vent ne passant plus entre la bôme et le cockpit. Depuis, Thomas Coville, accompagné de Jean-Luc Nélias et de son équipe, a navigué une centaine de jours sur son nouveau bolide (qui sera doté d’un plan porteur de dérive en 2020 pour lui permettre de voler intégralement), de quoi valider le concept du cockpit avancé, mais également les autres dossiers « chauds », comme la taille des foils et leur emplacement dans les flotteurs.
Reste à confirmer cela en course, d’où la hâte de Thomas Coville de s’élancer sur Brest Atlantiques : « Depuis le mois de mars, nous avons beaucoup appris, je suis très satisfait de la vitesse à laquelle nous avons réussi à mettre le bateau au point. Au départ, il s’agissait de concepts théoriques qui sont devenus des partis pris, puis des choix et ce n’était pas évident à faire. Maintenant, pour que ce soit crédible, il va falloir concrétiser tout ça en résultats sportifs, Brest Atlantiques arrive au bon moment. »
Photo : Eloi Stichelbaut/Sodebo Voile