Après dix jours à Brest, les quatre trimarans de la Classe Ultim 32/23 prennent le départ mardi 5 novembre à 11h00 de Brest Atlantiques, nouvelle course en double et sans escale de 14 000 milles, qui passera par Rio et Le Cap. Si les conditions seront engagées avec du vent et de la mer formée, la descente du Golfe de Gascogne s’annonce extrêmement rapide, les premiers étant attendus en une dizaine d’heures au Cap Finisterre.

Au moment de se présenter lundi matin à la Marina du Château au dernier briefing des skippers, à la veille du départ de Brest Atlantiques, les visages des huit marins engagés sur cette nouvelle course étaient plus graves et concentrés que les jours précédents, preuve que l’échéance approche. C’est donc mardi à 11h que s’élanceront les quatre trimarans de la Classe Ultim 32/23 pour une grande boucle de 14 000 milles, soit plus d’un demi-tour du monde, qui les emmènera, sans cependant s’arrêter, à Rio de Janeiro et au Cap, avant un retour sur Brest, où les premiers sont attendus au bout d’une trentaine de jours.

A leur bord, quatre tandems de choc (accompagnés chacun d’un media man chargé de faire partager leur quotidien), qui cumulent 21 tours du monde bouclés, des records en pagaille (tour du monde en solitaire, Trophée Jules Verne…) et des victoires sur toutes les plus grandes courses au large de la planète, du Vendée Globe à la Route du Rhum en passant par la Volvo Ocean Race ou la Transat anglaise.

Des marins extrêmement expérimentés et donc capables de trouver le bon dosage mardi entre envie d’aller vite pour jouer d’entrée aux avant-postes et nécessité de ménager les bateaux, les conditions de la première journée de course s’annonçant musclées, comme l’explique le directeur de course, Jacques Caraës : « Sur la ligne de départ, située entre la cardinale occidentale de l’île de Sein et le bateau comité Le Rhône, les prévisions donnent un vent de nord à nord-ouest moyen de 24-25 nœuds, avec des rafales jusqu’à 35-39. Le paramètre le plus délicat est l’axe de la mer, de trois-quarts avant. C’est certes engagé, mais on n’envoie pas les skippers faire les jeux du cirque, on sait qu’ils peuvent passer à condition d’avoir une attitude de bon marin, donc de faire le dos rond pendant les 8-10 premières heures. »

Ce qu’ils ont visiblement l’intention de faire, à les entendre en cette veille de départ : « On ne va pas faire de bêtises. Il ne faut pas oublier qu’on part pour un marathon, le Golfe de Gascogne n’est qu’un petit sprint de 10 heures », résume Charles Caudrelier, qui fait équipe avec Franck Cammas sur le Maxi Edmond de Rothschild. « Ça nous impose d’être tout de suite dans l’excellence, c’est ça qui rend l’exercice complexe, mais aussi très intéressant, et c’est pour ça qu’on s’entraîne depuis des années », ajoute Thomas Coville, qui dispose avec Sodebo Ultim 3 du dernier maxi-trimaran mis à l’eau, le 18 mars dernier (son co-skipper est Jean-Luc Nélias).

Cette traversée du Golfe de Gascogne dans une mer qui va peu à peu devenir plus praticable devrait durer une dizaine d’heures jusqu’au Cap Finisterre, la suite s’annonce glissante, puisque les quatre trimarans devraient bénéficier de conditions idéales pour aller vite, même très vite : les routages actuels les emmènent à l’équateur en… 4 jours et demi ! « Une fois sorti du Golfe, c’est la fête ! », sourit Yves Le Blevec, skipper d’Actual Leader (il fait équipe avec l’Espagnol Alex Pella), François Gabart, associé à Gwénolé Gahinet sur le Trimaran Macif, rappelant cependant : « Certes, les conditions seront plus faciles, mais c’est loin d’être anodin de naviguer à plus de 40 nœuds, il faudra aussi faire attention. »

Les mots ultimes :

Yves Le Blevec (Actual Leader) : « Nous serons pour le départ dans des conditions d’angle et de force de vent, 120 degrés et 30 nœuds, dans lesquelles nos bateaux sont capables d’aller super vite, mais il y a deux paramètres à prendre en compte en plus : les rafales jusqu’à 40 nœuds et surtout une mer formée de travers. Nous, on va y aller tranquilles, on est partis pour 30 jours de mer, il va falloir être mesuré pendant ce petit pourcent du parcours. »

François Gabart (Trimaran Macif) : « Vu les conditions annoncées mardi, l’état d’esprit est à la concentration. Ça va être un peu sport, donc il va falloir naviguer intelligemment et en souplesse. Le bon compétiteur, c’est celui qui arrive à trouver le compromis entre attaquer et préserver son matériel, c’est le jeu même de la course au large. Sinon, je suis assez excité, j’aime bien ces moments de veille de départ, ils sont assez uniques, j’aimerais parfois qu’ils durent plus longtemps. »

Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) : « Il va falloir d’entrée trouver ce dosage délicat entre vitesse et sécurité, ce n’est pas simple de ralentir nos machines. Après, ce sont de gros bateaux capables de passer dans de la mer forte et c’est peut-être mieux d’apprendre tout de suite que d’attendre d’être sous l’Afrique du Sud pour avoir ces conditions, je préfère voir le verre à moitié plein. »

Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) : « C’est très musclé au niveau de la mer surtout, on va aller vite face à la mer, il va falloir calmer le jeu, on ne va pas aller à fond. J’ai hâte de partir, d’être en course sur ce bateau, ça fait sept mois que je m’entraîne et que j’en rêve, je suis super content. »