La deuxième conférence de présentation des teams sur le village de Brest Atlantiques a eu lieu jeudi au sein de l’espace animations. L’occasion pour les deux skippers du Trimaran Macif, François Gabart et Gwénolé Gahinet, d’échanger avec le public et d’évoquer leurs ambitions. Morceaux choisis…

Le duo

François Gabart : « Comment j’ai choisi mon binôme ? Je n’ai pas réfléchi à faire un binôme, mais plus à faire un trinôme car j’inclus Jérémie (Eloy, le media man), j’ai réfléchi à la façon de trouver trois personnes capables de bien fonctionner à bord pendant un mois. Il se trouve qu’on s’entend bien tous les trois, on a une façon de vivre et de fonctionner à bord qui, à mon sens, va être performante dans la durée. Le Fastnet, même si on n’était pas que nous trois à bord, a été un super entraînement en vue de Brest Atlantiques, on a appris à se connaître, à communiquer, à voir ce qu’il fallait encore améliorer. »

Le parcours

François Gabart : « Le début de Brest à Rio est un tronçon qu’on connaît bien puisque c’est celui de la Transat Jacques Vabre et jusqu’au Cap, c’est la première partie des tours du monde, en revanche on ne connaît pas le retour entre le Cap et Brest, au moins la première partie jusqu’à l’équateur, on ne navigue jamais à l’est de l’anticyclone de Sainte-Hélène le long des côtes africaines. Il va y avoir pas mal de jeu stratégique, parce que le Pot-au-noir est plus large côté africain, donc va forcément se poser la question de l’éventuel détour à faire pour franchir le Pot-au-noir plus à l’ouest, acceptera-t-on de considérablement rallonger la route pour mieux traverser le Pot-au-noir ou au contraire restera-t-on à l’est au risque d’y passer plus de temps ? ».

Le Trimaran Macif

Gwénolé Gahinet : « Depuis le mois de juillet, je me régale à naviguer sur ce bateau, de découvrir le fonctionnement d’un bateau qui vole, d’en apprendre les réglages, c’est une façon de naviguer très différente, à chaque sortie, on apprend de nouvelles choses, c’est très stimulant. »

François Gabart : « C’est un bateau qui é été mis à l’eau en août 2015 et qui a connu des modifications très importantes au cours de l’hiver 2017-2018, avec des nouveaux foils et safrans, une nouvelle bôme, des voiles qui ont changé et pas mal de systèmes à l’intérieur différents. Je commence à bien le connaître, mais on pourrait passer une vie entière à comprendre et faire progresser ce bateau, chaque navigation est une découverte, on est en train de découvrir le vol au large, c’est révolutionnaire, ça change notre façon de naviguer, on n’en est qu’aux balbutiements, mais c’est un émerveillement. »

La concurrence

François Gabart : « On est un équipage plus jeune, je ne sais pas si c’est un point fort ou un point faible, même si on a quelques milles derrière nous, on a moins d’expérience par rapport à des marins qui ont une expérience extraordinaire. Par contre, on a cette jeunesse, cette pêche qui est plutôt un point fort. On a un équipage qui fonctionne bien, c’est fluide entre nous. on a un bateau extraordinaire qui commence par contre à faire partie des plus anciens, on a l’avantage d’avoir une certaine fiabilité, on a un des bateaux qui a fait le plus de milles ces deux-trois dernières années, en revanche, il y a des bateaux plus récents qui ont bénéficié de technologies plus récentes et qui ont donc un potentiel de performances pures plus élevé que le nôtre. »

Gwénolé Gahinet : « Sur le Fastnet, on était bord à bord avec Gitana, c’était très encourageant, on a vu que les écarts de performances n’étaient pas si importants. Et sur un format en double et une course aussi longue, on sait que la performance pure n’est pas forcément primordiale, il va se passer plein de choses, il va y avoir certainement des avaries, de la fatigue, beaucoup de choses à gérer, donc on a complètement les armes pour jouer une très belle place sur cette course. »

La vie à bord

Gwénolé Gahinet : « Pour la nourriture, on a un sac qui contient trois jours de navigation dans la cellule de vie du bateau, le reste est à l’intérieur, assez avancé dans la coque centrale, et on descend tous les trois jours pour chercher de nouveaux sacs. Pour ce qui est des quarts, on s’adapte parfois au rythme de la course : il y a des moments où il peut y avoir beaucoup de manœuvres à faire et on va dormir par tranches de dix, quinze ou vingt minutes. Et des moments plus tranquilles où on va dormir par tranches de deux heures : deux heures de sommeil puis deux heures de quart sur le pont. On a aussi des petits outils qui nous permettent de compter notre temps de sommeil, donc on peut faire un bilan sur les 48 dernières heures pour essayer d’équilibrer. On discute beaucoup de ça pour toujours être en forme tous les deux. »

François Gabart : « On a désormais une caméra en tête de mât qui regarde ce qui se passe devant, l’objectif est de détecter d’éventuels OFNI devant nous, ça commence à fonctionner mais c’est encore au stade expérimental. On l’a installé depuis quelques semaines, on commence à bien voir les bouées par exemple, mais on ne sait pas encore si ça permet de tout voir et surtout, ça n’est pas connecté au pilote automatique, ça veut dire que si jamais, il y a quelque chose qui est détecté, ça va sonner, mais il va falloir qu’on débranche le pilote, qu’on repère l’objet et qu’on l’évite. C’est quelque chose qui est en développement mais sera sans doute de plus en plus important dans les années à venir. Sinon, pour essayer de toujours régler au mieux le bateau, on a plein d’alarmes qui vont nous aider. 700 données sont mesurées en permanence sur le Trimaran Macif, on ne met pas des alarmes sur ces 700, mais on va mesurer une vingtaine de variables sur lesquelles on va en mettre, par exemple la vitesse du bateau : si au moment d’aller dormir, le bateau va à 35 nœuds et qu’on veut qu’il garde cette vitesse, une alarme va sonner s’il va à 33 nœuds. Si on veut aussi que pour un angle et une force de vent le bateau aille à telle vitesse, des alarmes vont sonner s’il va à moins de 95% de cette vitesse souhaitée. On adapte la fourchette d’alarmes en fonction de notre fatigue et du repos qu’on veut s’accorder. Si on est complètement cramé et qu’on veut absolument dormir, on va être un peu plus laxiste sur les pertes de performance du bateau, si au contraire, on ne veut rien lâcher, on va mettre des pourcentages plus hauts. »


Jérémie Eloy : « J’ai une chance extraordinaire »

Embarqué comme media man à bord du Trimaran Macif, Jérémy Elloy, ancien kitesurfeur professionnel confie, à propos de l’aventure qui l’attend sur Brest Atlantiques : « J’étais là pour prendre des images aux arrivées de records du tour du monde de François (tour du monde en solitaire) et de Gwénolé (Trophée Jules Verne), j’ai la plus grande chance du monde de me retrouver avec eux sur Brest Atlantiques. Je découvre une nouvelle dimension, le vol au large, j’en prends tous les jours plein les yeux. Cela fait quelques mois que nous naviguons ensemble, on s’amuse, c’est génial. »