Visual Story du 12 nov. 2019 / Jour de course #7
Le près, une allure serrée, au plus proche du vent. Quand on parle de près en navigation à la voile, ce n’est généralement pas pour évoquer de bons souvenirs. Ce terme est souvent synonyme de souffrance, ça cogne, ça tape, ça n’avance pas, et bah détrompez-vous.
Ronan Gladu / Médiaman à bord d'Actual Leader
Enfin ! Enfin nous sommes sortis de ce pot au noir interminable !
Comparé à la plupart des voiliers, ce fut très court… mais quelle
intensité. Une course effrénée avec les nuages qui n’en finissaient plus
de gonfler au dessus de nous, à rendre fou !
Et encore, moi j’étais « à la cool » à regarder Yves et Alex wincher et
manœuvrer presque non-stop pendant 24 heures !
Mais les efforts ont payé, ce fut une bonne opération pour nous, je
crois qu’on est revenus de presque 100 milles sur le reste de la flotte.
Et le final, au lever de lune, était magique. De voir enfin les étoiles
devant et la lune se frayer un chemin à travers le dernier grain mutant
derrière… une sensation de libération et de victoire : enfin sortis des
griffes du monstre !
Nous sommes maintenant au « reaching », à fond, tout droit vers Rio. Et
vous savez quoi ? Et bien le « reaching », c’est assez insupportable,
surtout à fond de cale ! Je fais des bons dans tous les sens devant le
clavier, la machine est parfaitement réglé : on ne l’arrête plus !
Le seul endroit où on pourrait être bien, c’est dans la bannette, mais
la chaleur est insupportable. D’ailleurs ma « cave » commence à sentir
le fauve ! Je vis même avec les poubelles de bord. Il faudrait que je me
motive à les envoyer vers l’avant, à l’emplacement prévu mais il faut se
faufiler dans un goulot étroit, puis le long de la dérive centrale, dans
les entrailles de la bête. Hors de question de faire ça maintenant, à
28-30nds sur un champs de bosses, je vais finir incrusté dans le carbone !
Nous avons passé l’équateur, moment symbolique…je dormais ! En même
temps, à eux deux, ils l’ont passé plus de 30 fois, sur tout type de
bateaux. La routine quoi. Et puis moi je l’ai déjà franchi en vélo, au
Gabon, avec mes collègues de Lost in the Swell - Yves m’a dit que ça,
c’était « la classe » !
En tout cas le bateau a l’air en pleine forme et les marins récupèrent
doucement leur sommeil. A chaque fois que je monte dans la cabane, il y
en a un qui ronfle « comme un mammouth sous prozac ». J’ai même pris le
temps de nous faire un gros plat de pâtes au thon, ça fait du bien !
D’ailleurs, il faut que j’arrête de me plaindre, on est bien ici, au
calme et au chaud… Vu ce qui nous attend à Rio (du vent bien fort) et le
scénario pourri qui se profile vers l’Afrique du sud, on n’est pas au
bout de nos aventures !